Fiscalité successorale : les décisions de jurisprudence qui ont marqué 2017

http://Droits de succession Par CMS Francis Lefebvre Avocats Publié le 24/02/2018 à 09:08 – Mis à jour le 24/02/2018 à 09:08

 

Une analyse de Sylvie Lerond et Grégory Dumont, avocats counsels, département droit du patrimoine, CMS Francis Lefebvre Avocats.

Le début d’année est une période propice aux bilans de l’année écoulée et nous vous proposons un regard sur les décisions de jurisprudence qui ont marqué l’année 2017 en matière de fiscalité successorale.

Nue-propriété

Une donation de nue-propriété, présumée inexistante au plan fiscal en application de l’article 751 du CGI, ne peut pas être rectifiée (Cass. com. 1er mars 2017 no 15-14170).

Lorsqu’une donation en nue-propriété avec réserve d’usufruit est consentie moins de trois mois avant le décès du donateur, la donation est présumée au plan fiscal inexistante et la pleine propriété du bien donné est réputée faire partie de la succession du donateur. La présomption ne peut être renversée que par la preuve de la sincérité du démembrement usufruit/nue-propriété (CA Paris 6 juin 2017 n°14-25473).

Un arrêt du 1er mars 2017 illustre la portée de la présomption dans un cas où celle-ci a bénéficié au contribuable.

Une grand-mère consent à ses petits-enfants une donation en nue-propriété avec réserve d’usufruit portant sur un ensemble immobilier. La donatrice décède moins de trois mois après la donation. L’administration fiscale notifie alors une proposition de rectification visant à rehausser la valeur des biens donnés, au lieu de réintégrer ces biens dans la succession de la donatrice.

La Cour de cassation considère que la rectification est nulle au motif que la donation ne pouvait pas être rectifiée car elle était réputée fiscalement inexistante au jour du décès de la donatrice.

En effet, le donataire avait volontairement invoqué, pour sa défense, la présomption d’inexistence de la donation et s’était abstenu de prouver la sincérité de la donation. Celle-ci devait donc être considérée comme un «non-événement» au plan fiscal, ce qui empêchait la rectification de l’acte de donation.

Solde sur la vente d’immobilier

Le solde du prix de vente d’un immeuble cédé par le défunt à son unique héritier fait partie de l’actif successoral taxable (Cass. com. 5 juillet 2017 n°16-14.869).

Les créances dont le défunt est titulaire au jour de son décès sont taxables aux droits de succession, y compris lorsque le débiteur est l’unique héritier du défunt. C’est ainsi que l’on peut résumer un arrêt du 5 juillet 2017. Au cas particulier, une mère vend un bien immobilier à sa fille avec un prix payable en vingt échéances annuelles, dont une seule était réglée lorsque survint le décès de la mère.

La fille étant la seule héritière, elle ne fait pas figurer dans la déclaration de succession la créance correspondant au prix de vente du bien. Elle argue du fait que la dette s’est éteinte de plein droit au décès par confusion car elle en est devenue à la fois débitrice et créancière.

L’administration fiscale réintègre la créance à l’actif de la succession. La Cour de cassation confirme la réintégration, considérant que la créance existait encore au jour du fait générateur des droits de succession, c’est-à-dire à la date du décès, son extinction par confusion ayant lieu, selon elle, ultérieurement.

Majoration pour déclaration hors délai

La cour d’appel d’Aix en Provence réduit à la somme symbolique d’un euro la majoration de 10% encourue par un légataire ayant déposé la déclaration de succession hors délai (CA Aix-en-Provence, 2 mai 2017 n°15/16451).

La majoration de 10% due pour retard dans l’enregistrement de la déclaration de succession en application de l’article 1728 du CGI peut être modérée par le juge dans le cadre de l’appréciation concrète des circonstances de l’espèce et de la proportionnalité de la sanction, au regard du comportement du contribuable.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence fait application de ce principe à un légataire qui n’avait déposé la déclaration de succession que vingt-trois mois après le décès et non pas dans le délai de six mois prévu à l’article 641 du CGI.

À l’appui de leur décision, les juges relèvent les circonstances justifiant ce retard (intervention d’un généalogiste, renonciation des héritiers, envoi en possession du légataire ordonné judiciairement, éloignement du légataire du lieu d’ouverture de la succession), ainsi que les diligences accomplies par le légataire pour payer au plus vite les droits de succession (dépôt de la déclaration de succession huit jours après la vente du bien immobilier légué).

Abattement en faveur des handicapés

À droit à l’abattement supplémentaire de 159.325 euros en faveur des handicapés, l’héritier dont l’infirmité subie au cours de sa vie active a eu une incidence sur le montant de la pension de retraite qu’il percevait au jour de l’ouverture de la succession (CA Aix-en-Provence, 27 juin 2017 n°15/21441).

L’article 779 II du CGI prévoit un abattement spécifique de 159.325 euros au profit de l’héritier incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d’une infirmité physique ou mentale.

Cette infirmité doit être intervenue au cours de la vie active et doit avoir empêché l’héritier de se livrer à toute activité professionnelle dans des conditions normales de rentabilité. L’abattement ne peut donc pas être accordé aux personnes atteintes d’une infirmité après la période considérée comme celle de la vie active.

Lorsque l’héritier est à la retraite, on perçoit dès lors la difficulté d’établir que les conditions de l’article 779 II sont réunies, sachant qu’elles doivent l’être au jour de l’ouverture de la succession dont la date n’est, par hypothèse, pas connue.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence applique ce texte à une héritière qui, pour des raisons de santé, avait dû cesser son activité de vendeuse en fruits et légumes à 56 ans, puis avait dû prendre une retraite anticipée trois ans plus tard après une lourde intervention médicale. Son invalidité était bien intervenue pendant la période d’activité et avait entraîné une réduction de ses pensions de retraite.

Cela étant, la décision de reconnaissance d’invalidité par la Cotorep avait été rendue alors que l’intéressée était déjà à la retraite. En outre, les certificats médicaux produits étaient postérieurs au décès. Malgré le caractère tardif de ces éléments, les juges admettent leur caractère probant.