Le caractère constructible d’un terrain n’est jamais acquis .

Par Chloé Schmidt-Sarels, Avocat – Modifié le 12-05-2017

L’achat d’une parcelle en vue d’y construire la maison de ses rêves peut révéler bien des surprises et entraîner des déconvenues financières préjudiciables pour le futur propriétaire du terrain.

En effet, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000, dite « loi SRU » remplace le plan d’occupation des sols (POS) par le Plan Local d’Urbanisme (PLU).

Pour se mettre en conformité avec la loi dite « Grenelle II », la plupart des communes se sont inscrites dans une démarche de rénovation de leur document d’urbanisme, le plus souvent par la révision ou l’élaboration d’un PLU.

Ces évolutions des incidences importantes sur le caractère constructible des terrains. Elles font naître différents risques dont celui de voir sa demande de permis de construire refusée après l’achat du terrain.

Pour se prémunir de toutes ces déconvenues, le futur acquéreur se doit d’être particulièrement vigilant sur un certain nombre de points.

La consultation du document d’urbanisme applicable sur le territoire de la commune

Le vendeur d’un terrain peut présenter la parcelle comme étant constructible avec la mention « terrain à bâtir ». Bien souvent, le vendeur de la parcelle ne prend pas la peine de se renseigner sur le caractère constructible du terrain mis en vente. Il peut légitimement penser, au regard des constructions avoisinantes, de la présence des réseaux ou de la localisation du terrain, que la parcelle est, de facto, constructible.

Dans les faits, un terrain présenté comme étant « constructible » peut ne pas l’être. Le futur acquéreur devra donc consulter le document d’urbanisme applicable sur le territoire de la commune pour s’assurer que :

  • la parcelle n’est pas inscrite dans une zone inconstructible (zone agricole, naturelle, constructibilité limitée dans le cas d’une commune non couverte par un document d’urbanisme et donc soumise au règlement national d’urbanisme)
  • la parcelle ne fait pas l’objet d’un emplacement réservé et n’est pas soumise au droit de préemption urbain
  • la parcelle ne fait pas l’objet de mesures restrictives liées à des risques naturels ou technologiques 
  • le projet envisagé respecte les règles d’urbanisme imposés par le PLU

Le certificat d’urbanisme: un faux ami

Il est vivement conseillé au futur acquéreur de présenter une demande de certificat d’urbanisme dont le régime est détaillé aux articles L.410-1 (1) et R.410-1 à R.410-20 du code de l’urbanisme auprès de la mairie ou de l’intercommunalité. Ce document, en général exigé par le notaire, fait état des règles d’urbanisme applicables pour un terrain donné.

Il est délivré à titre informatif et renseigne sur la constructibilité, les droits et les obligations attachés à ce terrain.

Il existe deux types de certificats d’urbanisme :

  • le certificat d’urbanisme d’information qui renseigne sur les règles d’urbanisme applicables au terrain, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d’urbanisme.
  • le certificat d’urbanisme opérationnel indique, en plus des informations données par le certificat d’urbanisme d’information, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation du projet, l’état des équipements publics existants ou prévus desservant le terrain.

La durée de validité du certificat d’urbanisme est de 18 mois à compter de sa délivrance.

Attention : le certificat d’urbanisme n’est pas constitutif d’une autorisation d’occupation du sol. Il ne s’assimile ni à une déclaration préalable, ni à un permis de construire. Il informe et permet de cristalliser les droits s’exerçant sur le terrain pour une durée de 18 mois en l’absence de mention d’un sursis à statuer. Autrement dit, la demande de permis de construire sera instruite conformément aux règles fixées par le certificat d’urbanisme comme le prévoit l’article L.410-1 du code de l’urbanisme (2).

La demande de certificat d’urbanisme constitue donc une formalité obligatoire pour s’assurer que les règles existantes s’appliquant sur le terrain ne contreviendront pas à la construction envisagée.

Les conséquences de la mention d’un sursis à statuer sur le certificat d’urbanisme

Les règles d’urbanisme applicables sur le territoire de la commune peuvent faire l’objet de modification, d’évolution et notamment lorsque le plan d’occupation des sols ou le PLU / PLUi (plan local d’urbanisme intercommunal) sont en cours de modification/ révision.

Afin de ne pas compromettre le futur PLU, la commune pourra suspendre l’instruction de la demande d’autorisation en opposant un sursis à statuer à une autorisation d’urbanisme.

Autrement dit, l’administration aura la possibilité d’interdire temporairement la réalisation d’un projet de construction par le biais d’une décision de sursis à statuer.

Cette décision de sursis doit répondre à un impératif de motivation selon une jurisprudence du Conseil d’Etat (3) et ne peut excéder deux ans.

Cependant, une prorogation est envisageable lorsqu’un motif différent justifie qu’il soit de nouveau sursis à statuer selon l’article L. 424-1 al 8 du code de l’urbanisme (4). La durée totale du sursis à statuer ne peut excéder 3 ans.

Le futur acquéreur doit donc impérativement vérifier si la mention d’un sursis à statuer apparaît dans le certificat d’urbanisme qui lui a été délivré.

Si c’est le cas, la décision de sursis à statuer induit un refus de l’autorisation en vertu d’une décision du Conseil d’Etat (5)

Le terrain à construire sera donc inconstructible pour une durée de 2 à 3 ans si les nouvelles dispositions du PLU sont en contrariété avec le projet du futur acquéreur.

L’obtention du permis de construire : préalable à tout engagement

Il est vivement recommandé au futur acquéreur du terrain de déposer une demande de permis de construire relative à son projet de construction. Cependant, le propriétaire devra, au préalable, consentir un mandat ou un accord au futur acheteur.

En cas d’accord du propriétaire et dans le cadre d’une promesse de vente, le futur acquéreur du terrain aura la possibilité de déposer une demande de permis de construire. L’obtention de l’autorisation de construire devra alors s’analyser comme une condition suspensive de la vente et faire l’objet d’une insertion de clause dans le compromis de vente.

La lecture attentive de l’acte de vente

Les recherches effectuées par le futur acquéreur concernant à la qualité du terrain (compatibilité du PLU, mentions contenues dans le certificat d’urbanisme, etc ) vont permettre au futur acquéreur de se prémunir contre les manquements de l’agent immobilier et/ou du notaire.

En effet, le futur acquéreur peut remarquer lors de la consultation du règlement du PLU et du plan de zonage, que le terrain fait l’objet, par exemple, d’un projet soumis au droit de préemption urbain et que l’acte de vente ne le mentionne pas. Dans ce cas, il demandera des informations complémentaires au notaire et le cas échéant renoncer à l’achat dudit terrain.

En outre, une attention particulière doit être portée à l’existence d’un arrêté de péril, d’injonctions de remise en état ou de l’existence d’une servitude dans l’acte de vente. De plus, il est vivement conseillé de signer l’acte de vente après l’expiration du délai de recours des tiers.

 

Par Chloé Schmidt-Sarels

Avocat au Barreau de Douai

Références :

(1) « Le certificat d’urbanisme, en fonction de la demande présentée :

 a) Indique les dispositions d’urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d’urbanisme applicables à un terrain ;

b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l’opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l’état des équipements publics existants ou prévus.

 Lorsque le projet est soumis à avis ou accord d’un service de l’Etat, les certificats d’urbanisme le mentionnent expressément. Il en est de même lorsqu’un sursis à statuer serait opposable à une déclaration préalable ou à une demande de permis. »

(2) « Lorsqu’une demande d’autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d’un certificat d’urbanisme, les dispositions d’urbanisme, le régime des taxes et participations d’urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu’ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l’exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. »

(3) CE, 13 avr. 2005, n° 259805

(4) « Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. [] Si des motifs différents rendent possible l’intervention d’une décision de sursis à statuer par application d’une disposition législative autre que celle qui a servi de fondement au sursis initial, la durée totale des sursis ordonnés ne peut en aucun cas excéder trois ans. »

(5) CE, 9 mars 2016, n°383060