L’expert judiciaire est le bras armé du juge

L’expert judiciaire est le bras armé du juge.

Ghislain Hanicotte

Le terme « expert » se trouve aujourd’hui largement galvaudé, notamment à l’intérieur de la sphère médiatique. L’expert judiciaire, lui, mérite bien son titre d’expert. Et pour cause…

Lorsque le tribunal est saisi d’un litige, dont les intérêts en jeu peuvent être significatifs, il appartient en effet au juge, en présence d’un dossier parfois complexe, et après avoir entendu et échangé avec les parties concernées et leurs avocats respectifs, de rendre une décision. Cette décision est rendue en toute connaissance de cause, en droit mais aussi en fait. Le tout, en tenant compte des aspects parfois techniques du litige.

Il est évident que le magistrat, même quand il relève d’une chambre spécialisée, ne peut connaitre toutes les « techniques ». Ce n’est, ni sa formation, ni son métier.

En d’autres termes, et pour que la décision soit la plus juste possible, le législateur (ndlr : le code de procédure civile) prévoit de pallier l’incompétence possible du magistrat sur un aspect particulier du dossier relevant par exemple d’une spécialité constructive, médicale ou comptable…

De fait, lorsqu’un juge se considère insuffisamment informé sur le plan technique ou factuel, et si le litige nécessite des constatations ou des informations complémentaires contradictoires, un expert judiciaire est désigné. Les conclusions du rapport de l’expert deviendront alors le « pivot » et l’axe majeur du jugement futur du tribunal.

En tant qu’avocats, nous avons l’habitude de dire que lorsqu’une expertise est ordonnée par un juge, tout le dossier se joue pour l’essentiel à l’expertise !

L’importance d’une expertise est donc considérable puisqu’il est naturellement rare que le juge se « déjuge » et renonce à suivre l’avis de l’expert qu’il a lui-même désigné.

Si les experts désignés ont le plus souvent la maîtrise totale de la technique, technique qui relève de leur spécialité, il est absolument primordial que le déroulement des opérations d’expertise qui leurs sont confiées par le juge se fasse sans heurts et dans le respect des principes essentiels du droit. C’est le respect du contradictoire.

Il y va de l’image de la justice puisque, sur le terrain et en présence des justiciables, c’est bien l’expert, même s’il ne juge pas, qui va déterminer les éléments techniques et factuels de responsabilité, d’appréciations, de chiffrages des préjudices, ou des mesures à prendre, avec des conséquences financières qui peuvent être lourdes.

Et c’est sur la base des éléments mis en évidence par l’expert, que le magistrat rendra sa décision. Dès lors, le rôle de l’expert est essentiel, sa responsabilité considérable.

Ainsi, que ce soit le justiciable, le juge, l’avocat, l’expert des parties, ou l’expert judiciaire lui-même, tous ont intérêt à ce que l’expertise se déroule harmonieusement et rapidement, afin d’aboutir à des conclusions, qui pourront certes être discutées, mais qui demeureront fiables.

 

 

Ghislain HANICOTTE

27 Avril 2017